Pierre Marie Expédit René DE KERANFLEC’H-KERNEZNE

– Né le 13 janvier 1897 à Angers,
– Fils de Hervé Charles Marie Rogatien DE KERANFLEC’H-KERNEZNE, et Marie Thérèse Simone de BOISBOISSEL,
demeurant au Quélénec – Saint Gilles Vieux Marché

– Décédé le 29 mai 1918 à Loeuilly – Juvigny – Aisnes. « Tué à l’ennemi ».

– Frère d’Alain Charles Edmond Louis Marie De KERANFLEC’H-KERNEZNE, « Mort pour la France »,
son nom est aussi inscrit sur le Monument aux Morts de Saint Gilles Vieux Marché.

 

P DE KERANFLECHSous-Lieutenant Pierre DE KERANFLEC’H-KERNEZNE

Extrait du livre « La commune de St Gilles-Vieux-Marché, Au Champ d’Honneur 1914-18 », écrit par la Comtesse de KERANFLEC’H, édité en 1920 :

« Pierre de Keranflec’h-Kernezne est né à Angers le 13 janvier 1897. Licencié ès-lettres et bachelier en droit à dix-huit ans, il s’engagea aussitôt que son âge et sa santé le lui permirent, au 51e Régiment d’Artillerie de Campagne à Nantes, le 12 novembre 1915. Reçu à l’examen des élèves aspirants, il fut envoyé à l’Ecole de Fontainebleau au mois de février 1916. Nommé aspirant d’artillerie en juin 1916, Pierre de Keranflec’h fut affecté au 28e Régiment d’Artillerie qui se trouvait alors devant Verdun. Il prit part aux combats de Verdun, Reims, Heurtebise, la Malmaison, et remplit presque constamment les fonctions d’agent de liaison d’artillerie près des trois régiments d’infanterie de la division : le 403e, le 407e et le 410e. Ce fut au milieu de ce dernier régiment qu’il tomba, frappé d’un éclat d’obus au front et à la nuque devant Bagneux (secteur de Loeilly-Juvigny) le 29 mai 1918.

Pierre de Keranflec’h a obtenu les citations suivantes :

Ordre n° 23. — Ordre de la Brigade. — 33e Corps d’Armée.
« Jeune officier, ayant rempli maintes fois les fonctions d’agent de liaison auprès de l’infanterie, faisant preuve, dans toutes les circonstances, des plus belles qualités de bravoure et de sang-froid. Dans la nuit du 31 mars au 1e avril, bien que fortement contusionné par l’explosion d’un obus qui a blessé deux hommes à ses côtés, n’a cessé de commander le tir de sa batterie sous un bombardement aussi précis que violent d’obus explosifs et asphyxiants. »

Ordre n° 262. — Ordre de la Division. — 151e Division d’Infanterie.
« Officier très brave et très courageux. Le 15 août 1917, sa batterie étant soumise à un violent bombardement, s’est prodigué pour porter secours à un de ses hommes tombé près d’un dépôt de munitions en flammes et a réussi à le dégager au prix des plus grands dangers. »

Ordre n° 4. — Ordre du Corps d’Armée. — 1er Corps colonial.
« Pendant une période d’attaque, a rempli ses fonctions d’officier de liaison d’infanterie avec un zèle, un dévouement et une compétence absolus, recherchant avec la plus belle crânerie, sous le feu, les renseignements utiles à l’artillerie. Déjà cité deux fois. »

Ordre de l’Artillerie Divisionnaire. — 151e Division. —
8 août 1918.
Le Lieutenant-colonel commandant l’A. D. 151 cite l’Ordre de l’Artillerie Divisionnaire de Keranflec’h-Kernezne, sous-lieutenant, 2e groupe, 28e régiment d’artillerie :

« Connu de tous pour l’admirable bravoure dont il donnait constamment des preuves comme officier de liaison auprès de l’infanterie. Tombé glorieusement à son poste, en première ligne, le 29 mai 1918. »

Nommé Chevalier de la Légion d’honneur à la date du 9 janvier 1920 avec rappel de la citation ci-dessus.

(Officiel du 9 janvier 1920.)

EXTRAITS DES LETTRES DES OFFICIERS ET SOUS-OFFICIERS DE PIERRE

Lettre du Colonel Batteux, Commandant le 28e Régiment d’Artillerie.

« J’avais pour votre fils Pierre une affection toute particulière. Dès son arrivée à la 151e Division, j’avais été séduit par la distinction de ses manières, par la culture de son esprit, par l’affabilité de son caractère, et je l’avais conservé près de moi, ayant grand plaisir à l’emmener dans mes tournées… Au 2e groupe du 28e Régiment d’Artillerie (auquel il fut ensuite affecté), il fut toujours admirablement compris et sa disparition a laissé un grand vide…
Votre fils Pierre a été un des officiers les plus sympathiques et les plus braves que j’ai connus au cours de cette longue campagne, un de ceux qui ont le plus contribué à établir une liaison intime entre fantassins et artilleurs, et par cela même, un de ceux qui ont le plus contribué au succès définitif de nos armes.
Vous pouvez être fier, Monsieur, d’avoir donné le jour à deux héros d’une gloire si pure, et nul plus que moi n’est mieux en mesure d’apprécier l’immensité du sacrifice que vous avez fait en les donnant à la France. »

Extrait d’une lettre du Commandant Debuire, Commandant le 2e groupe du 28e Régiment d’Artillerie.

« Envoyé en liaison auprès du Colonel commandant le 410e dès le début de l’attaque, Pierre avait remarqué, au cours du recul, des pièces de 90 abandonnées sans avoir été mises hors de service. Le 29 mai, vers 14 heures 30, il s’occupait de trouver les explosifs nécessaires à cette opération et se trouvait au ravin de Montécouvé, à 2 kilomètres 5 N-O de Juvigny. Pendant ce temps, le régiment se repliait, et l’endroit en question était la première ligne du bataillon Vignoli, qui couvrait le repli. L’ennemi pressait fort et les hommes de liaison avaient été mis en ligne avec les fantassins pour faire le coup de feu.
Pierre se trouvait en ce moment auprès du capitaine de Torquat, commandant la 11e compagnie du 410e. C’est là qu’un fusant, éclatant juste au-dessus de leurs têtes,
les tua, tous deux, du même coup. Les hommes, le voyant tomber, voulurent se porter auprès de lui pour ramener son corps, si possible, ou tout au moins recueillir ses papiers, mais l’instant étant très critique, ils furent maintenus à leur poste de combat et se replièrent avec la ligne de tirailleurs.
Le soir, nous avions reculé de 2 kilomètres dans cette région… Je ne saurais vous dire le vide que laisse parmi nous la disparition de votre cher fils. Exemple permanent de jeunesse, de gaieté, de désir de s’employer, il m’était infiniment sympathique au milieu de toute cette fleur de belle jeunesse française que j’ai l’honneur de commander.
Descendu des premières lignes le 26 mai au soir, il y remontait quelques heures plus tard, dès le déclenchement de l’attaque, avec quelle joie et quelle flamme !
Si quelque chose, en dehors des consolations de la religion, les seules certaines, et qui, grâce à Dieu, ne vous manquent pas, si quelque chose peut adoucir votre immense douleur, c’est de penser qu’il a été frappé au poste d’honneur qu’il aimait par dessus tout, au milieu de ces fantassins si braves qu’il avait lui-même maintes fois enthousiasmés par sa bravoure, en faisant plus que son devoir, ce qui, pour une âme d’élite comme la sienne,
était la seule façon de faire «tout son devoir ». »

Extrait d’une lettre du Capitaine Morel du 28e d’Artillerie.

« J’étais son aîné de beaucoup ; je l’aimais et l’admirais. Sa mort m’a causé une peine profonde.
Il est unanimement regretté dans un groupe où toutes ses belles qualités de guerrier sans peur et sans reproche et sa légendaire bravoure le faisaient admirer. »

Extrait des lettres du Sous-Lieutenant P. de Robien, du 28e d’Artillerie.

« 9 Juin.
…Dans la soirée du dimanche précédant la bataille — c’est-à-dire le 26— nous faisions route ensemble, à cheval… Il n’avait cessé de me répéter — j’en suis frappé maintenant — que la famille est chose sacrée et que son plus grand désir était de pouvoir l’honorer plus pleinement encore qu’il ne l’avait fait jusqu’ici.
Il a certes tenu parole. Alertés au début de la nuit, nous sommes remontés en ligne. Il partait le lundi en liaison auprès du colonel du 410e avec l’entrain et l’esprit de sacrifice que je lui ai toujours connus et qui ont fait jusqu’au bout l’admiration de tout son groupe.
Je l’ai revu le lundi après-midi, alors que la poussée boche se dessinait devant nous et qu’il passait avec l’état major du 410e établir un P. C. (poste de commandement) à quelque distance de ma batterie ; ces courtes minutes seront à jamais gravées dans ma mémoire. J’ai senti alors la douceur d’avoir un véritable ami ; nous nous sommes quittés pleins de confiance et presque la joie au coeur.
Depuis, je n’ai pas eu occasion de le retrouver ; les journées qui ont suivi ont été dures ; j’ai su par son entourage, qu’il s’était dépensé sans compter.
Le mercredi après-midi, un de ses agents de liaison venait annoncer au groupe la terrible nouvelle ; la chaleur du combat n’a pu retenir mes larmes. . .
Il partait visiter les bataillons avec le capitaine de Torquat, quand un obus éclatant à la hauteur de leur tête les a tués tous les deux. J’ai su depuis que l’aumônier du 410e, l’abbé Chevreau, lui avait donné l’absolution avant son dernier soupir. Frappé à la tête, il n’avait plus sa connaissance et a peu souffert, n’ayant survécu que quelques instants.
On n’a pu ramener son corps (1), ni aucun des objets qu’il portait sur lui, les Boches ayant débouché subitement, double épreuve pour vous. Quel regret j’ai eu de n’avoir pas été à ses côtés en ces moments suprêmes . . .
Je prie avec vous pour cet ami auquel était mon coeur. Sa vie intègre, la droiture absolue de son caractère et sa fin héroïque ne peuvent, du reste, me faire douter de son bonheur actuel. Il avait un tel amour de la France que cette nouvelle victime des grands devoirs qu’elle impose ne manquera pas d’intercéder là-haut pour que la victoire lui échoie.
Ceux qui restent ont pleine confiance et le désir de le venger !
Une citation est en cours à son adresse actuellement ; il en méritait d’ailleurs des dizaines. A toute affaire où il y avait du danger, on était certain de le rencontrer, insouciant de sa peine. . . Quel vivant exemple il a été pour nous tous ! Son pauvre ordonnance est désolé. En voyant l’impression profonde qu’il laisse parmi ses hommes, on se rend mieux encore compte de l’homme de bien et de valeur qu’il était ! »

(1) Pierre de Keranflec’h avait été enterré sur place avec le capitaine de Torquat par les Allemands. Sa tombe a été retrouvée quelques mois plus tard par ses parents. ll repose au cimetière militaire de Bieuxy (Aisne) en attendant le retour au pays natal.

« 3 juillet 1918.
Garçon charmant, aussi intelligent que brave, il a fait des choses superbes comme officier de liaison avec la plus grande simplicité, le plus entier mépris du danger : il était aimé et admiré de tous. »
(Un capitaine du 28e à la Comtesse R. de L.)

Extrait d’une lettre du Maréchal-des-Logis Jean Le Men du 2e Chasseurs.

« . . . Je connaissais la sympathie que M. Pierre avait pour moi, aussi je l’aimais sincèrement, affectueusement et tendrement. . . Il était de cette génération qui se battait pour un idéal ! Malgré son jeune âge, il avait l’âme d’un soldat. Il a été frappé en pleine action, en venant d’accomplir une mission périlleuse comme toujours. Il est mort aussi en grand chrétien, car tout en faisant son métier il n’oubliait pas ses devoirs envers Dieu : il avait une foi ardente, une foi vivace, aussi attendait-il la mort en souriant. M. Alain lui avait montré le chemin du devoir, le chemin du sacrifice, et rien ne l’aurait fait s’en écarter. . .
Vous aviez deux enfants élevés avec des sentiments rares, que l’on ne rencontre qu’exceptionnellement, entourés de l’estime de tous. Vos sacrifices n’auront pas été vains, car leur souvenir, leur modestie auront frappé tous ceux qui les ont approchés. Des âmes
aussi pures, aussi nettes, Dieu a voulu les rappeler à Lui.
En M. Pierre, je ne perds pas un maître, je perds un ami d’enfance, un frère que j’aimais par-dessus tout ; quand j’y pense, cela me déchire le cœur. Mon plus grand bonheur était d’appartenir à sa division ; bien souvent j’ai eu l’idée de passer à son régiment pour être
auprès de lui et courir les mêmes dangers ; maintenant il est trop tard et je me reproche de ne pas l’avoir fait…
J’ai vu de mes propres yeux les artilleurs du régiment de M. Pierre, sur le plateau entre Juvigny et Chavigny, ramenant leurs pièces à bras, sous le feu des mitrailleuses ennemies. Il appartenait à un beau régiment, où son souvenir sera toujours vivace ; ce soir j’ai
causé avec un de ses maréchaux-des-logis de liaison, qui revient de permission. Il avait quitté M. Pierre le 27, quelques heures avant l’offensive ; je lui ai appris la triste nouvelle ; il m’a répondu : « J’aurais préféré faire 50 kilomètres avec le lieutenant de Keranflec’h que de le lâcher aux Boches, car, pour nous, c’était le meilleur des chefs et que j’estimais par dessus tout. » Tous n’en font que des éloges, ils ne lui reprochent qu’une chose, sa témérité et son mépris du danger. »

Extrait d’une lettre du Maréchal-des-Logis F ., du 28e d’Artillerie.

« Je connaissais très bien M. de Keranflec’h, il était aimé de tous ceux qui le connaissaient ; tout en étant officier, on trouvait en lui un camarade ; il était d’une bravoure au-dessus de tout éloge, officier d’une grande valeur, très estimé de ses chefs. Il avait encore une qualité supérieure, celle d’être très pieux ; très souvent il répondait la messe à M. l’Aumônier. Dans tout ce que je viens de dire je n’exagère rien. Dans la vie, quand quelqu’un meurt, on dit très souvent : « Oui, maintenant qu’il est mort, on dit beaucoup de bien de lui » mais pour le sous-lieutenant de Keranflec’h, j’en disais autant de son vivant, et tous ceux qui le connaissaient disent de même. Il méritait tous ces éloges : nous le regrettons beaucoup au 28e. Il a été tué le premier jour de l’attaque dans les tranchées. M. de Keranflec’h faisait la liaison entre l’infanterie et l’artillerie. »

Extrait d’un article du « Nouvelliste de Bretagne » (envoyé du front par un camarade).

« Le 29 mai tombait, dans l’accomplissement d’une mission périlleuse, le sous-lieutenant Pierre de Keranflec’h—Kernezne.
Breton de sang et de cœur, il possédait à un haut degré toutes les qualités dont sa race a toujours fait preuve, et qui sont chez elle de tradition. A une intelligence très vive, dont témoignent du reste ses brillantes études d’histoire et de droit, il joignait une générosité et une ardeur qui devaient, trois ans durant, faire l’admiration de tous ses camarades et de ses hommes.
Engagé volontaire en 1915, au 51e d’artillerie de campagne à Nantes, il passait peu de temps après à l’école de Fontainebleau d’où il sortait aspirant au 28e d’artillerie à Vannes. C’est à ce régiment qu’a débuté sa campagne, lors des dures journées de Verdun, et qu’elle
s’y devait glorieusement terminer à l’âge de 21 ans.
Vie courte, mais féconde; mort qui semble enlever à la France un des « siens » ; mais qui toutefois le laisse vivant, par le souvenir et par l’influence profonde que son âme vaillante et chrétienne avait exercée à son insu.
Son régiment, auquel il n’a cessé de faire honneur, l’avait vu se dépenser sans compter, avec un entrain magnifique, dans un poste particulièrement dangereux, par lui sollicité : officier de liaison auprès de l’infanterie. »

Trois citations étaient venues récompenser sa brillante conduite.

« Brave entre les braves, il a laissé son nom sur les lèvres de tous les fantassins auprès desquels il s’est trouvé, soit aux batailles d’Heurtebise et de la Malmaison, soit aux combats acharnés qui se continuent encore à l’heure actuelle, et qui devaient clore une carrière pleine d’espérance. »
« M. et Mme de Keranflec’h connaissaient déjà la dure épreuve de la mort d’un fils : en 1915, l’aîné, Saint-Cyrien de la promotion de « la grande Revanche», sous-lieutenant de chasseurs alpins, avait donné sa vie… pour la Revanche , et grandi la France d’un héros de plus. »
« Tant de sang versé pour la cause sacrée de la Patrie ne peut manquer d’attirer sur elle le secours d’En-Haut ! »
« Nous tous, leurs camarades, rendons hommage à la mémoire de ces deux fils de notre vieille Bretagne. Nos condoléances très respectueuses s’en vont vers les parents si cruellement éprouvés auxquels ils devaient cette  trempe française et chrétienne qu’ils nous lèguent comme exemple et que nous recueillons comme le plus précieux souvenir. »

pierredekeranflech

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